Transport parti de Paris le 8 juillet 1943 (I.114.)

Les 8, 11 et 14 juillet 1943, partent de Paris les trois premiers transports « NN » vers le KL Natzweiler situé en Alsace, alors que, depuis mai 1942, les déportés classés « Nacht und Nebel » étaient régulièrement dirigés vers le SS-Sonderlager Hinzert. Ce changement de destination opéré par les autorités allemandes est difficilement explicable car non définitif, puisque des « NN » arrivent encore jusqu’en septembre 1943 au camp spécial d’Hinzert.
Deux hypothèses, dès lors, peuvent être avancées, mais qui sont toujours, à l’heure actuelle, difficiles à vérifier.
Soit la destination de ces trois transports de juillet 1943 est à trouver dans la distinction faite entre deux catégories de « NN » ; d’une part, ceux transférés en Allemagne par les autorités de la Wehrmacht afin d’être jugés par les tribunaux spéciaux mis en place pour une application stricte du décret Keitel de décembre 1941 ; d’autre part, ceux déportés par la Gestapo dont l’objectif n’est pas le jugement mais uniquement l’envoi dans un camp. C’est ce dernier cas qui expliquerait la formation de ces trois transports.
Soit, comme l’a écrit l’abbé Joseph de la Martinière[1], les deux premiers transports du 8 et du 11 partent d’une prison de la Wehrmacht, Fresnes, et sont donc composés de « NN » devant être jugés, et le fait qu’ils soient dirigés vers le KL Natzweiler s’explique par un « contre-ordre donné à la suite des bombardements de Cologne ». Les dossiers des détenus auraient été détruits lors de ces bombardements et leur absence rendait impossible l’application de la procédure et donc inutile le transfert vers le camp d’Hinzert. En revanche, le troisième transport du 14 juillet, parti du Fort de Romainville, prison de la Gestapo, fait partie d’une déportation organisée par la Gestapo et non par la Wehrmacht.

Pour ce qui concerne le premier transport du 8 juillet, il ne comprend que 56 hommes, tous de nationalité française, qui partent dans un wagon cellulaire accroché au rapide Paris-Berlin jusqu’à la gare de Strasbourg. Là, il est décroché et mis sur une voie de garage. Après quelque temps d’attente, il est raccroché à autre train jusqu’au village de Rothau, gare la plus proche du KL Natzweiler.
De manière générale, le trajet entre la gare et le KL se fait selon les disponibilités, soit en camion, soit en voiture cellulaire, soit à pied.

S’agissant des circonstances et des motifs d’arrestation des personnes du transport, on a relevé la présence d’un grand nombre de membres de réseaux et mouvements de résistance. Ainsi, il comprend, d’une part, 27 résistants FTP, dont 15 sont arrêtés dans le département de la Seine, 9 en Seine-et-Oise et 3 en Haute-Garonne ; d’autre part, 8 membres du réseau CND-Castille arrêtés en Bretagne et en région parisienne[2]; de même que 3 résistants du groupe Overcloud[3] et 4 membres du réseau Hector en grande partie démantelé en octobre 1941 au cours de l’opération Porto, menée par les services allemands de l’Abwehr.
Il semble donc, à la différence des transports vers le camp spécial d’Hinzert, que les autorités allemandes mettent l’accent sur la déportation de personnes ayant commis, ou étant en mesure de commettre un acte à l’encontre de l’occupant dans le cadre d’une organisation de Résistance. Ce constat est renforcé par le fait qu’il n’y a pas, dans ce transport, de personne arrêtée pour « détention d’arme de chasse »[4].
A leur arrivée au KL Natzweiler, les déportés sont immatriculés dans la série des « 4000 ». Ce ne sont pas les premiers Français immatriculés dans ce camp car, depuis son ouverture, de nombreux Alsaciens-Mosellans y ont effectué un passage plus ou moins long.
Certains sont envoyés dans des Kommandos extérieurs du KL Natzweiler comme Erzingen, Kochem, alors que d’après le décret « NN », les détenus doivent rester dans le secret et donc ne pas sortir du camp.

Sur les 56 déportés « NN » de ce transport, 18 décèdent au KL Natzweiler entre juillet 1943 et avril 1944.[5]
Les survivants ont ensuite un parcours de déportation qui n’est en rien comparable à celui des « NN » du camp spécial d’Hinzert. Ainsi, tous les survivants sont transférés au KL Dachau en septembre 1944 lors de l’évacuation du KL Natzweiler sans qu’aucun d’eux ne soit ni jugé à Cologne ou à Breslau, où siègent les tribunaux compétents pour les affaires « NN » venant de France, ni transféré vers les prisons de Silésie, théâtre de la procédure « NN » à partir de la fin de l’année 1943.
Les 29 rescapés de ce premier transport de « NN » sont pour la plupart libérés par l’armée américaine au camp de Dachau le 29 avril 1945 ou au Kommando d’Allach, le lendemain.

Guillaume Quesnée

[1]Joseph de la Martinière, La procédure « NN », nomenclature des déportés « NN », tome III, chapitre VII : Natzweiler.

[2]François Faure, Compagon de la Libération, est ainsi arrêté le 15 mai 1942, après une mission à Londres.

[3]Parmi eux, Joël Le Tac est nommé Compagnon de la Libération à son retour de déportation.

[4]Concernant les « NN » déportés à Hinzert, la détention d’armes de chasse constitue le motif d’arrestation le plus important quantitativement.

[5]Soit presque un tiers de l’effectif du transport.

Dernière mise à jour : 2008-07-30