Les arrivées en octobre 1944 (I.291.)

En octobre 1944, des personnes continuent d’être envoyées au SL Schirmeck à la suite des arrestations et des rafles effectuées en représailles contre les actions des maquis vosgiens menées depuis les mois d’août et septembre. Elles ont lieu en particulier à Saint-Maurice, Senones, Provenchères ou encore Beaucourt.

Le 2 octobre 1944, un groupe de la Gestapo, en repli du Sud de la France et cantonné à Bussang (Vosges) par suite de la stabilisation du front, procède à Saint-Maurice-sur-Moselle à l’arrestation de 63 hommes. Au matin, sur convocation préalable du garde champêtre communal, tous les hommes valides, environ 250, sont rassemblés devant la mairie. Les autorités allemandes désignent nominativement 63 personnes du maquis de Saint-Maurice, créé depuis le mois de mai 1943. Son rôle principal a été, avec l’appui du Maire de l’époque, de favoriser l’évasion de jeunes Alsaciens réfractaires au service militaire allemand et à la délivrance de fausses cartes d’identité à des réfractaires du STO. Déjà, lors d’une attaque contre le maquis par les troupes allemandes, une première série d’arrestations avaient eu lieu le 9 septembre près de Bussang. Les 6 principaux responsables arrêtés le 2 octobre sont fusillés le 4 ; alors que les 57 autres personnes sont déportées. Après avoir été conduites en camion à Bussang, au siège de la Gestapo, elles sont emmenées à la prison de Mulhouse pour arriver au camp de Schirmeck le 4 octobre 1944. Toutes sont ensuite dirigées vers le KL Dachau puis, pour certaines, vers les KL Auschwitz et Buchenwald, et 40 décèdent en déportation.

Une autre arrivée massive de 352 déportés vosgiens, originaires de Senones, a lieu le 6 octobre au SL Schirmeck. Ils y passent environ 15 jours avant d’être transférés le 18 octobre 1944 au KL Dachau où ils entrent le 21 octobre, après avoir subi dans la nuit du 19 au 20 octobre, deux bombardements en gare de Stuttgart.[1] D’après les déclarations faites par un officier allemand ayant participé à l’opération et pour sa défense lors de son procès après la libération, l’ordre aurait été donné de déporter 400 hommes de Senones de 18 à 50 ans, sans distinction de nationalité, d’état physique et d’âge. Ces mesures font suite aux arrestations et déportations de nombreux habitants de Moussey, Belval et Le Saulcy en septembre 1944.[2] L’opération de nettoyage du maquis de Senones commence le 4 octobre 1944, après l’arrestation du capitaine Quettant envoyé en mission au dépôt d’armes de la Rochère (Haute-Saône). Après plusieurs perquisitions, les Allemands s’emparent du dépôt d’armes du haut du Mont de la Tête de Gigleu. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, les Allemands cernent la commune, avec des mitrailleuses lourdes, et à l’aube du 5, ils procèdent à l’arrestation individuelle de près de 400 hommes, effectuée par des détachements de SS. Plusieurs sont relâchés. L’opération se termine les 6 et 8 octobre par l’arrestation de quelques résistants, qui avaient réussi à échapper à la Gestapo le 5.

Le 8 octobre 1944, ce sont cette fois des membres du maquis du Lomont, dans le Doubs, qui entrent au SL Schirmeck après être passés par les prisons de Montbéliard, Belfort, et Mulhouse. Ils sont arrêtés par la Feldgendarmerie le 23 septembre au cours de la rafle de Beaucourt suite à la découverte de listes de résistants. Parmi eux, on compte au moins 7 femmes.[3]
Dans le courant de ce mois arrivent également des hommes arrêtés au cours des rafles de Provenchères-sur-Fave, Lusse, la région de La Salle, ainsi que ceux d’Etival-Clairefontaine arrêtés suite aux combats de la ferme de Viombois, ceux du maquis de La-Chapelle-sous-Chaux (Territoire de Belfort), et enfin ceux arrêtés à Domèvre-sur-Vezouze en Meurthe-et-Moselle.

Enfin, précisons que sur ces 815 personnes arrêtées en zone occupée et arrivées au camp de Schirmeck, plus de 90 % sont transférées au KL Dachau et immatriculées dans la série des « 114000 », « 116000 », « 117000 », « 120000 », et « 131000 ». Ces personnes arrêtées dans la zone occupée arrivent dans ce camp avec d’autres déportés arrêtés, eux, en zone annexée4. Par la suite, certains sont envoyés au KL Auschwitz : une minorité dans le transport du 2 novembre, où ils sont immatriculés entre le « 200001 » et le « 200207 »; et la majorité dans le transport dit des « Vosgiens », parti de Dachau le 24 novembre 1944 où les matricules entre « 200210 » et « 201231 » leur sont attribués.[5]

Manuel Maris

[1]Roger Leboube, De Senones et Etival Clairefontaine à Blechhammer(Pologne) via Schirmeck-Dachau-Auschwitz-Birkenau-Gleiwitz IV, édité à compte d’auteur, 1999; François Goldschmitt, Alsaciens et Lorrains à Dachau, Ed. Le Lorrain, Metz 1946.

[2]Voir la notice des arrivées au SL Schirmeck en septembre 1944 de personnes arrêtées en zone occupée (I.287.).

[3]Elles sont parties de la caserne Friedrich de Belfort le 3 octobre 1944, dans le transport qui prend la direction du KL Buchenwald, et elles descendent à Mulhouse avant de repartir vers Schirmeck. Voir la notice de ce transport (I.289.).

[4]Voir en deuxième partie, les notices des arrivées au camp de Schirmeck de personnes arrêtées en zone annexée.

[5]Voir à ce sujet, Henry Clogenson et Paul Le Goupil, Le Mémorial des Français non-juifs déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz; ainsi que les témoignages de Théodore Hennequin, Calvaire humain ou le massacre du camp de Jaworzno, imprimerie Alsatia, Colmar 1947, ou de Marcel Walzer, Lacour Louis, matricule 201170, imp. du Capucin, Charmes 1994. Deux de ces « Vosgiens », « Charles l’instituteur » et « Arthur le paysan », sont évoqués dans le livre de Primo Levi, dont ils étaient les compagnons au Revier d’Auschwitz-Monowitz au moment de leur libération par les Russes le 27 janvier 1945 : se reporter à l’édition française de Si c’est un homme, Paris, Julliard, 1987.