Il est difficile de dire combien d’enfants sont nés en déportation. Cependant, il a pu être recensé 29 enfants, dont 18 garçons et 10 filles, nés de mères déportées elles-mêmes de France par mesure de répression. La liste ci-dessous montre que 21 d’entre eux sont nés à Ravensbrück, 3 à la prison d'Aichach (près d'Augsburg), 2 dans des prisons en Italie, 1 à Auschwitz, 1 à la prison de Cologne-Klingelpütz et 1 à la prison de Kreuzburg en Haute-Silésie. Seuls 8 sont revenus de déportation.

La majorité des enfants nés en déportation le sont au KL Ravensbrück, le camp des femmes, leurs mères ayant été arrêtées et déportées alors qu’elles étaient enceintes. D’après les témoignages, il y eut des femmes enceintes dès le début de la constitution du camp, mais aucun adoucissement du régime ne fut prévu pour elles.
En 1942, la conception du camp change et le but de rééducation, essentiel jusque-là, est remplacé par celui du rendement au travail. Un médecin, le docteur Rosenthal, alors nommé au camp, fait avorter les femmes enceintes de moins de huit mois. En 1943, le docteur Treite succède au docteur Rosenthal. Il semble avoir abandonné les avortements et laissé la grossesse se dérouler jusqu’à son terme. Lors de l’accouchement, les femmes admises au Revier sont assistées par une sage-femme autrichienne prisonnière, mais l’enfant est tué à la naissance. A la fin de la même année, une nouvelle décision permet de laisser les nouveaux-nés en vie, mais rien n’est prévu pour les accueillir. En septembre 1944 est créée une très petite chambre spéciale pour les nouveaux-nés, dans un block de malades, avec des conditions matérielles déplorables, manque de linge, aucune hygiène… Les bébés sont couchés en travers des quatre paillasses des châlits. Jusqu’à une quarantaine d’entre eux y logent. Au début de 1945, en raison de l’évacuation de plusieurs camps sur Ravensbrück, le nombre de naissance s’accroît. Un block entier est alors réservé aux mères et aux bébés. La lutte entreprise par quelques infirmières prisonnières pour faire vivre ces enfants a permis à peine de faire atteindre à quelques-uns l’âge de deux à trois mois. Presque tous mouraient de diarrhée, de pneumonies, de diverses infections. A la fin février, un important transport de mères et d’enfants est organisé vers Bergen-Belsen, suivi de deux autres ultérieurement. Aucun des 4 bébés français de ces transports n’y a survécu.[1]
Tous ne sont pas nés au KL Ravensbrück. Henri Dacquembronne, par exemple, est né et décédé à Auschwitz. Ses parents sont les chefs d’un groupe de Résistance du Pas-de-Calais. Ils partent de Lille, puis sont envoyés dans les prisons de Bruxelles, Cologne et Berlin, avant d’être transférés à Auschwitz[2]. Ils sont les seuls membres du groupe à être déportés dans ce camp, mais nous n’avons pas pu en déterminer les raisons. Le père décède aussi à Auschwitz, seule la mère est rentrée.

Sur les 29 mères d’enfants nés en déportation, 19 sont rentrées, 8 sont décédées et 2 ont une situation non connue. 21 d’entre elles sont allées au KL Ravensbrück[3]. 21 enfants y sont nés, 3 seulement ont pu être sauvés.

Enfin, 7 autres enfants sont nés dans des prisons, 3 à Aichach, 2 en Italie à Cuneo et à Imperia[4], 1 à Cologne et 1 à Kreuzburg en Haute-Silésie. 2 sont décédés à Aichach, les autres étant rentrés.

Même si ces enfants n’ont pas été déportés de France par mesure de répression – stricto sensu – la Fondation a décidé de les inclure dans ce Livre-Mémorial car il lui a paru évident qu’ils ne pouvaient être dissociés du sort de leurs parents, et de leurs mères en particulier.

Marie-José Chombart de Lauwe

[1]D’après le « registre des naissances », on compte près de 600 enfants nés à Ravensbrück. Il y a eu seulement une quarantaine de survivants (se reporter aux archives du camp de Ravensbrück et aux ouvrages de l’Amicale de Ravensbrück et de l’ADIR, Les Françaises à Ravensbrück, Gallimard, Paris, 1965 et Marie-José Chombart de Lauwe, Toute une vie de résistance, Pop’Com/FNDIRP, Paris, 2002).

[2]cf. la liste I.184.. Tous les autres membres de ce même groupe de Résistance sont envoyés au KL Sachsenhausen pour les hommes et au KL Ravensbrück pour les femmes.

[3]cf. les listes I.204., I.230., I.246., I.261., I.262., I.264., I.282. et I.302.

[4]cf. la liste I.300.

Dernière mise à jour : 2009-04-25