Les arrivées au SL Schirmeck, de janvier à juin 1941, de personnes arrêtées en zone annexée (II.3.)

Comme pour l’année 1940[1], les personnes arrêtées pour attitude ou sentiments francophiles représentent un fort pourcentage, soit plus du tiers des arrivées au SL Schirmeck durant ces six premiers mois de l’année 1941. En majorité, elles refusent la politique de germanisation entamée par les autorités allemandes dès le mois de juillet 1940 et qui se poursuit dans les trois départements annexés. En Moselle, à partir du 14 février 1941, l’enseignement dans les écoles primaires comme dans le secondaire doit être dispensé exclusivement en allemand, et le 3 avril, l’usage du français dans la vie courante est officiellement interdit. Si 3 de ces personnes sont transférées au KL Dachau et 1 au KL Natzweiler, la grande majorité est libérée au bout de quelques mois de détention au camp de Schirmeck. Cependant, d’autres arrivent à Schirmeck après avoir créé des organisations de résistance. Le 30 avril est interné au SL Schirmeck, l’un des deux fondateurs du groupe La Main noire[2], Ceslav Siratzki. D’origine polonaise et âgé de seize ans, il est assassiné au KL Natzweiler le 12 décembre 1941. Les arrivées des anciens combattants des brigades internationales de la guerre d’Espagne se poursuivent également : 5 déportés au moins, arrêtés en novembre 1940 et transférés au KL Dachau où ils restent de 1941 à 1945, ont été recensés.

Mais, en application de l’idéologie nazie, les autorités cherchent aussi à éliminer la littérature « marxiste » et « juive ». Elles luttent également contre le christianisme. Le Grand Séminaire de Metz, par exemple, est transformé en prison. Le parti nazi est officiellement fondé en Alsace au printemps 1941, en même temps que beaucoup d’autres organisations qui en dépendent. Ainsi, 3 personnes au moins entrent au SL Schirmeck, après avoir refusé d’y adhérer. Par ailleurs, tout jeune Allemand doit, à partir de cette période, un an de Reichsarbeitsdienst (RAD), le service du travail d’Etat, comprenant une préparation militaire. En Alsace, il est institué le 8 mai 1941 pour tous les jeunes de 17 à 25 ans, et rendu obligatoire le 20 mai. En Moselle, un décret le rend obligatoire le 23 avril. Les premiers conseils de révision ont lieu en août et septembre 1941, les premiers départs ont lieu en octobre. Deux personnes, au moins, ayant refusé le RAD, arrivent dès le mois de mai à Schirmeck.

Face à cette assimilation de plus en plus présente, de nombreux Alsaciens-Mosellans, surtout des jeunes, tentent de franchir la frontière pour rejoindre la zone dite libre. Ainsi, près de 40 % des déportés recensés ici arrivent à Schirmeck après avoir été arrêtés, pour la plupart dans les Vosges dès les mois de février et mars 1941, pour « passage illégal de la frontière ». Par la suite, ils sont tous libérés, soit du camp de travail de Welzheim où plusieurs d’entre eux ont été transférés avant d’être incorporés de force dans la Wehrmacht le 15 novembre 1941, soit du SL Schirmeck après quelques mois de détention. Un seul est envoyé au KL Buchenwald d’où il est libéré en septembre 1941.

Manuel Maris

[1]Voir la notice des arrivées au SL Schirmeck en 1940 des personnes arrêtées en Alsace-Moselle (II.1.).

[2]Voir la notice des arrivées au SL Schirmeck de août à décembre 1941 des personnes arrêtées en Alsace-Moselle (II.5.).

Dernière mise à jour : 2007-07-23